Wednesday, April 22, 2009

LE MONDE EST PETIT

LE MONDE EST PETIT
Avant mon premier voyage au Mexique, a l'occasion d'un congres d'écrivain, je ne savais rien de ce pays. Je ne savais meme pas qu'un de mes collegues, scientifique, y était déja pour un stage d'un an. Quand j'ai décidé enfin de prendre contact avec lui, tout semblait désespéré. Il ne répondait pas a mes messages envoyés par fax. Il s'est avéré plus tard qu'il ne le pouvait pas. Le fax du bureau du laboratoire venait d'etre volé. Mon télégramme, dont le cout de l'envoi représentait deux mois de budget du laboratoire pour les frais de correspondance, ne lui est jamais arrivé. Les contacts par courrier électronique n'étaient pas possibles et j'ai envoyé une lettre alors qu'il était, d'apres toutes mes expériences avec la poste, déja trop tard.

Or justement cette lettre est arrivée contre toute attente une semaine plus tôt que prévu, un jour avant mon envol. Mon collegue m'a appelé aussitôt et nous avons donc pu nous dire au dernier moment que j'arrivais par avion et qu'il m'attendrait a l'aéroport de Mexico. Et je suis parti.

Mon voyage a été d'autant plus excitant que non seulement c'était la premiere fois que j'allais au Mexique, mais que de Mexico je devais me rendre au plus vite a Guadalajara, a des centaines de kilometres de la. Dans mon voyage dans l'inconnu mon collegue a fait parfaitement son devoir en matiere de rafraîchissement. Il m'a accueilli a l'aéroport et m'a fait connaître la biere locale de marque Montejo ainsi qu'une soupe qu'on appelait pozole. Il m'a fait aussi un discours détaillé sur ce que je devais, pouvais et ne devais pas faire. Le soir il m'a mis dans l'autocar pour Guadalajara et m'a souhaité un bon voyage.

Celui qui a voyagé sur les lignes mexicaines d'autocar de nuit sait qu'il y a la un luxe que l'on ne voit meme pas chez nous sur les lignes internationales. J'aurais donc du me trouver bien et a l'aise mais je ne l'étais pas car je filais de nuit vers un endroit inconnu. Au niveau des gares de péage, l'autoroute était jalonnée non seulement de gardes militaires mais aussi de gardes civils étranges en poncho, aussi armés que si nous avions traversés une ligne de front. Jusqu'a Guadalajara je n'ai pas beaucoup dormi.

Vers cinq heures du matin je suis descendu finalement a la gare routiere de Guadalajara. C'étaient mes douze premieres heures sur le sol mexicain et, pour le moment, je n'avais vu du Mexique que l'intérieur d'un autocar sombre. Une autre épreuve m'attendait maintenant: trouver un taxi pour aller a l'hôtel. Et il n'y a rien de simple a cela. Dans de telles situations un étranger a deux problemes : ne pas se faire voler quand il paie la course et ne pas se faire voler autre chose pendant la course. Pendant leur voyage pour le meme congres, des collegues danois s'étaient fait voler la nuit a une heure tardive en plein centre de Mexico. Un petit taxi vert sous licence d'état les avait conduit dans une ruelle transversale ou les compagnons de bouteille du chauffeur les attendaient déja. C'est pourquoi j'avais reçu a la fois un bon conseil et un avertissement de mon collegue. Le bon conseil était de chercher une station de taxi annonçant " Pre-paid taxi ". Au Mexique (mais aussi ailleurs, par exemple en Inde ou en Malaisie) on a sagement institué la course de taxi payée a l'avance. Vous annoncez votre destination, on vous encaisse et on vous donne un reçu, puis un taxi vous emmene ou il faut. J'attendais la deuxieme possibilité, celle de me faire voler sur le siege branlant a l'arriere du taxi, avec une totale résignation. J'étais recouvert de bagages et dans ma tete je remettais dans l'ordre deux coups de karaté que j'avais appris. L'un était supposé mortel mais je les confondais toujours. Avoir peur n'est pas dans mes habitudes mais se faire des illusions non plus. Mon collegue m'avait prévenu qu'il fallait s'attendre au pire si le taxi s'arretait de lui-meme dans un parc obscur. Et justement nous en sommes arrivés la.

Les rues de Guadalajara étaient désertes a cette heure matinale et nous roulions depuis longtemps quand le taxi s'est arreté brusquement au bord d'un parc inconnu et sombre. J'ai regardé rapidement autour de moi pour savoir de quel côté viendrait l'attaque. Mais dans cette rue déserte, nous étions seuls. Incrédule, je regardais le chauffeur de taxi. Il ne m'avait ni conduit a l'hôtel, ni volé - que pouvait bien me vouloir cet hurluberlu? J'avais annoncé le nom de l'hôtel " Plazza del Sol " au chauffeur a notre départ. Le brave homme m'avait bien conduit, mais a une place qui s'appelait " Plazza del Sol ". Quand il m'a fait le geste international pour dire que nous étions arrivés, il était clair que j'avais un petit probleme tout a fait inattendu. Je n'avais dans toute cette ville de Guadalajara de plusieurs millions d'habitants pas d'autre point de repere que ce nom d'hôtel " Plazza del Sol ", qui par un coup du sort était le meme que celui de cette place et parc déserts. Le chauffeur de taxi ne comprenait pas l'anglais et je ne connaissais pas l'espagnol. Je peux vous assurer qu'on se sent particulierement seul au monde, quand son propre chauffeur de taxi ne comprend pas ce qu'on dit. Il était hors de question de descendre avec tous mes bagages. Je n'avais nulle part ou aller et un autre chauffeur de taxi n'apporterait rien de mieux. Je ne savais pas quoi dire de plus au chauffeur que répéter " Plazza del Sol ". A cela il répondait en remuant complaisamment la tete et me proposait de descendre. Aux échecs, on appelle ça etre pat.
Dans la pénombre matinale je regardais autour de moi, désabusé. Dans ce pays inconnu et dans une ville inconnue, a des milliers de kilometres de chez moi, j'attendais de tomber sur quelque chose, un indice, un signe du ciel qui me redonnerait espoir et m'encouragerait a continuer. Et j'en ai trouvé un. Du côté du taxi ou j'étais assis, il y avait une longue rangée de petits bâtiments qui formait le plus petit côté de cette place rectangulaire. Tous ces bâtiments étaient des boutiques ou des restaurants. Tous étaient fermés et sans lumiere. Seul un, justement celui devant lequel nous nous trouvions, chassait l'obscurité d'une grande inscription en néon sur laquelle un unique mot brillait : SLOVENSKO. Tout d'abord cela me sembla etre une hallucination due a mon manque de sommeil. Cette inscription n'avait rien a faire ni ici ni ailleurs sinon en Slovaquie car elle était vraiment écrite en slovaque. Ce n'était pas l'anglais SLOVAKIA ni l'espagnol ESLOVACA, mais bien le SLOVENSKO de chez nous. Personne d'autre ne pouvait l'avoir écrite qu'un Slovaque qui s'était égaré la, longtemps avant moi. De toute évidence, il avait non seulement survécu mais encore fait faire ce message rappelant notre commune patrie. En regardant cette enseigne de néon, j'ai compris que je ne pouvais pas me perdre ici.

Nous avons trouvé peu apres l'hôtel " Plazza del Sol ", a l'angle opposé de la place.
Traduit par Matthieu Guinard

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