Wednesday, November 12, 2008

QUI VOLE EN ITALIE ?

                                                 QUI VOLE EN ITALIE ?

Vous pouvez etre victime d'un vol dans n'importe quel pays mais, parmi les pays développés d'Europe, c'est l'Italie qui a la pire réputation dans ce domaine. Probablement aussi grâce a ces dizaines de films sur la mafia. Mais la prudence n'est finalement jamais de trop. C'est pour cela que lorsque nous sommes partis en voyage organisé avec ma chere femme Janina j'ai proposé un petit stratageme : Janina n'avait qu'a laisser ses précieuses bagues et chaînes en or a la maison. Je l'ai prévenue d'avance que je n'étais pas pret a tenir le rôle du mari d'une touriste dépouillée et a m'engager dans un combat perdu d'avance avec toute la mafia italienne. Ma femme a obéi. Mais le destin a voulu que ce soit moi qui devienne l'acteur de la grande aventure de notre voyage. Nous avons, comme tant d'autres, consommé en courant le menu riche en couleurs des monuments historiques de l'itinéraire Florence - Rome.

Néanmoins nous avons gardé suffisamment d'appétit pour Rome ou notre guide, une Slovaque mariée a un vrai Romain, nous a cordialement accueillis. Elle nous a gentiment conseillé de n'acheter les cartes postales que devant une certaine église de Rome ou elles sont certainement les moins cheres. D'ailleurs, au premier passage de frontieres, nos chauffeurs de car nous avaient déja donné exactement les memes instructions. Ainsi les fameuses cartes postales et l'église étaient attendues par tous dans le meme état d'esprit que celui dans lequel se trouvaient nos grands-peres en attendant leur nuit de noces, ou pour etre plus précis par tous, sauf par moi. Déja a la premiere mention des cartes postales, j'avais prévenu ma femme que nous n'allions certainement pas marcher dans cette combine. Certes, c'était gentil que tous les représentants officiels de notre agence de voyage essaient de nous recommander les cartes postales les moins cheres de Rome (et, paraît-il, en série double), mais tout voyageur expérimenté sait aussi que ce genre de cartes postales est inutilisable. A part cela, j'avais rappelé a ma chere épouse une réalité bien connue, a savoir que j'étais immunisé contre la fievre acheteuse du commun des mortels. J'estimais l'affaire terminée. J'avais completement oublié les cartes postales. Nous avions rencontré suffisamment d'autres stimulants intellectuels pendant notre visite de Rome qui avait duré toute la journée.

Et c'est justement le trop plein d'impressions et la fatigue d'avoir autant marché qui peuvent excuser la baisse de ma vigilance. En sortant de l'énieme église de toute une suite d'églises la guide a brusquement interrompu ses explications instructives et a enfin prononcé la formule magique : les cartes postales les moins cheres, c'est la-bas ! Je n'étais pas du tout pret. Non seulement j'ai été dépassé par le fait que notre groupe de créatures fatiguées et abattues par l'ennui se transforme en une meute d'assaillants du kiosque désigné mais le plus gros choc pour moi a été de me voir moi-meme a la tete de cette meute ! La vague des assoiffés de cartes postales totalement inutilisables m'a porté avec une telle force que je n'ai pas pu résister. Et puis comment résister en face d'un vieux petit vendeur de cartes postales qui sursaute de joie derriere son petit comptoir en voyant cette foule de touristes qui brulent d'envie d'acheter quelque chose. J'étais le premier ! Il m'a vite mis dans les mains deux séries de cartes postales (n'oubliez pas de vérifier, elles sont marquées par les chiffres romains I et II), je lui ai donné l'argent et déja les autres affluaient derriere. Je venais juste de constater que j'avais dans les mains deux séries numéro I, alors j'y suis retourné, j'ai réussi a attirer l'attention du petit vieillard et il m'a vite échangé une série. A ce moment-la, la majeure partie de la troupe de nos compatriotes completement fanatisés a débarqué et nous a séparés. Rejeté de côté par une meute de consommateurs déchaînés, j'ai pu regarder autour de moi. L'effet de l'hystérie sur les masses est fascinant. Un petit peu plus loin les autres vendeurs piétinaient derriere leurs petits comptoirs et criaient qu'eux aussi avaient les memes cartes postales pour le meme prix. Personne ne les a écoutés tant que le vieux vendeur n'a pas épuisé tout son stock. Une fois l'excitation tombée, les touristes se sont momentanément calmés dans un bref instant de satiété, et déja la guide nous amenait vers d'autres églises et d'autres monuments. J'étais assez surpris par tout cela (et surtout par moi-meme).

Dans la basilique Sta. Maria Maggiore je me suis consolé, en regardant les fresques du plafond, grâce a une idée pas tres originale mais toutefois rassurante : l'expérience avec les cartes postales était assez honteuse mais au moins pas tres chere. A ce moment précis, je me suis senti noyé de sueur. Je venais juste de faire le change ce jour-la et je n'avais donc aucun petit billet sur moi ! Ce que j'avais en hâte donné au vendeur de cartes postales représentait tout notre argent pour les prochains jours ! Acheter deux séries de cartes postales qu'on ne veut pas est une chose, mais les acheter pour cent fois leur prix...

Quand j'ai dit la chose a ma chere femme Janina, elle a failli s'évanouir. Déja a la maison elle savait que j'étais un acheteur suicidaire mais que mon talent dépassât sans probleme les frontieres, ça, meme dans ses pires cauchemars, elle ne pouvait l'imaginer. Alors, pendant que la partie féminine de notre groupe la consolait sur le theme : avec les hommes vous allez connaître des moments bien pires, ma petite dame, je suis allé voir notre guide. Quand on est suicidaire, on l'ai a 100 %. Je lui ai demandé de retourner la-bas. Tout le groupe a spontanément donné son accord pour qu'on retourne vers cette église, cette fois-ci vraiment mémorable, dans l'espoir d'une nouvelle aventure qui n'étais pas incluse dans le prix du voyage. Quand je suis descendu du car qui heureusement ne pouvait pas accéder jusqu'a la petite place devant l'église, les regards schizophrenes des autres participants du voyage m'ont accompagné. Ils me plaignaient d'un oil et attendaient de l'autre que je revienne " le nez long1 ", alors que le mien l'était déja démesurément.

Avec la guide nous avons monté l'escalier vers l'église comme deux personnes en deuil déplorant la mort d'un proche. Nous avons vu le petit kiosque de loin mais le petit vieillard n'y était pas. Il semblait avoir disparu avec son " butin ". Qui aurait pu lui en vouloir ? Nous nous sommes approchés du kiosque en vaincus et avons jeté un dernier regard autour de nous. Soudain le petit vieillard est apparu. Il lisait le journal derriere son comptoir et, comme il était petit et courbé, on ne le voyait pas du tout. " Que désirez-vous ? " a-t-il demandé. Je n'ai aucune idée de ce que la guide lui a raconté mais elle débitait son discours comme une mitrailleuse.

Voir les Italiens gesticuler, c'est comme participer a un festival d'acrobatie manuelle et notre guide y a mis pour sa part du vrai tempérament slovaque ainsi que l'expression de la Vierge Marie des Sept Douleurs, patronne de la Slovaquie. Le petit vieillard l'écoutait avec attention en meme temps qu'il me sondait des yeux. Il l'a laissée parler jusqu'a épuisement total de son souffle. Puis, prenant un air méditatif, il a acquiscé doucement m'a tapoté l'épaule avec compréhension et m'a glissé dans la main tout l'argent qu'il me devait. Il nous a fait un au-revoir de la main et est retourné tranquillement a ses journaux.

Si vous etes curieux de savoir qui vole en Italie, je peux vous assurer par ma propre expérience que ce n'est certainement pas un vieux petit vendeur des cartes postales les moins cheres de Rome...

Traduit par Diana Lemay

1 " s dlhým nosom " expression slovaque qui veut dire " se faire avoir ".



Available in E-book at:  http://itunes.apple.com/sk/book/le-monde-est-petit-world- is/id554104733?mt=11

No comments: