Wednesday, November 26, 2008

FACE A FACE AVEC LE TIGRE MALAIS

                                      FACE A FACE AVEC LE TIGRE MALAIS

Vous avez probablement éprouvé ce sentiment que l'on a a un moment précis lorsqu'on pense qu'on serait mieux n'importe ou ailleurs que chez soi, malgré le dicton : " On est bien partout mais on n'est nulle part aussi bien que chez soi. "

Les querelles et disputes non seulement politiques mais aussi entre amis et collegues, ou en famille, atteignent une telle intensité que vous devenez prisonnier d'une unique obsession : si on est bien partout, alors pourquoi rester chez soi ? Un tel état d'esprit vous conduit inévitablement a l'idée que seul un face a face avec un tigre de Malaisie, par exemple, pourrait vous redonner la foi et vous convaincre que ce n'est pas chez vous que vous attendent les pires choses de votre existence. C'est ainsi que je me suis enfui ...en Malaisie.

Mais il arrive parfois que ce qu'on attend de l'exotisme n'atteigne pas le niveau imaginé et que l'exotisme ne nous comble pas de la maniere dont on l'imagine. Au lieu de la couleur locale d'un pays arriéré peuplé de cannibales j'ai découvert une civilisation qui dans plusieurs domaines était plus développée, plus généreuse que celle que j'avais laissée derriere moi. L'unique tigre de Malaisie que j'ai, je l'ai vu au Musée National, empaillé, et il ne m'a pas trop impressionné. On n'en rencontre pas non plus dans les rues de Kuala Lumpur, la capitale; l'espoir qui me restait d'etre guéri par une thérapie de choc reposait sur l'excursion dans la jungle malaisienne que l'on nous promettait. Nous y sommes allés a la fin de notre conférence internationale. C'était dans le territoire protégé de Pasoh qui servait a des études scientifiques, au cour de la jungle qui possede la plus forte densité d'arbres au monde. Un touriste ordinaire n'y vient qu'exceptionnellement et, comme nous l'avons appris sur place, un tigre malaisien jamais. Ce bout de jungle qui sert de référence est entouré de kilometres de terres agricoles et d'habitations villageoises. Les organisateurs de notre excursion estimaient cependant assez dangereuse l'ascension que nous voulions faire au sommet de la construction a trois tours faite en duralumin et haute de quarante metres. Ces tours servaient a étudier chaque étage de végétation de la jungle.

Finalement nous n'avons pas eu a signer une lettre de décharge selon laquelle nous ne serions pas opposés a un éventuel face a face avec le tigre, mais une attestation beaucoup plus pragmatique mentionnant que nous assumerions les conséquences de notre éventuelle chute du haut de l'une des trois tours. J'ai signé le cour léger et j'ai été le premier a grimper a toute vitesse le long d'une raide échelle métallique. Bien sur, je ne me doutais pas qu'en haut, a l'arrivée sur la plate-forme de la tour, m'attendait un petit serpent vert de Malaisie tres venimeux. J'ai tout de suite compris qu'il était vraiment possible de tomber de cette tour, meme si on se savait (comme c'était le cas a ce moment-la) agile et en bonne condition physique. Je ne pouvais plus reculer car les autres collegues, qui avaient imprudemment signé la décharge mentionnant qu'ils n'allaient pas tomber ou alors qu'ils en assumeraient les conséquences, se pressaient derriere moi.

Il est intéressant de noter que la premiere chose qui me soit venue a l'esprit en ce moment ou j'étais confronté a une décision difficile a été de prendre en photo ce dangereux serpent. Peut-etre pour offrir un dénouement au polar qui allait suivre, dans lequel on chercherait la cause de la chute en chaîne de tout un groupe d'étrangers et ou seul l'appareil photo de l'un d'eux donnerait finalement la réponse. J'ai vraiment tenté de prendre une photo mais le résultat a été nul. Sur le fond ménagé par les couronnes vertes des arbres alentour, le serpent avait un camouflage parfait. L'appareil muni de son flash devait aussi me servir de bouclier et j'ai enfin trouvé le courage de me glisser a côté du serpent jusqu'a la plate-forme au-dessus de lui. Cette rencontre s'est finalement terminée sans conséquences fâcheuses et les spécialistes du coin ont réagi avec le sourire a ma bouleversante relation de cette aventure. Pour nous débarrasser du sentiment d'etre trop éloigné de la civilisation, on nous a distribué a la pause déjeuner des paquets de KFC1 garantis d'origine. C'est ainsi que s'est déroulé, sans grande aventure, mon séjour en Malaisie, jusqu'au dernier jour, alors qu'il ne me restait plus qu'a me baigner dans la piscine de la résidence universitaire, a faire mes valises et a partir a l'aéroport. C'est précisément a ce moment-la, entre le premier et deuxieme point de mon planning de la journée que c'est arrivé !Pour des raisons qui me sont restées mystérieuses jusqu'a aujourd'hui, j'ai glissé en enjambant un canal de drainage (il faut avouer qu'ils sont beaucoup plus larges que les nôtres, qui ne sont pas sous les tropiques) et je suis tombé si malencontreusement que je peux aujourd'hui encore présenter mes cicatrices comme les conséquences de ma rencontre avec un tigre de Malaisie. En un seul saut raté, je me suis trouvé arraché a l'atmosphere paisible d'une belle journée pour devenir l'acteur maladroit d'une histoire sanglante. Je vous assure que meme les soins tres attentionnés d'Elyane, hôtesse de l'air malaisienne, pendant le vol de retour ne m'ont pas fait oublier le pénible sentiment que j'étais un vrai lourdaud. A la maison, mon professeur a essayé de me consoler en me racontant comment il était tombé dans le conduit d'un canal a Sao Paolo. Un de mes collegues, rédacteur d'une maison d'édition de Slovénie, m'a assuré dans une lettre qu'il avait sur son bureau le manuscrit d'un récit de voyage dont l'auteur avait réussi, en l'espace de cinq ans, a tomber deux fois dans le meme conduit d'un canal quelque part en Afrique. Mais la cerise sur le gâteau est venue de la part du concierge du bâtiment universitaire ou je travaille. Il est âgé de 72 ans. " Ne t'en fais pas pour ça, " m'a-t-il dit avec compassion, " nous avons eu aussi un lourdaud comme ça dans notre village... "

Ce lourdaud dans leur village avait réussi dans la premiere moitié du siecle dernier a se faire appeler " le savant " car il avait fait cinq ans d'école élémentaire et était donc le plus instruit de toute la région. Il avait aussi réussi a acquérir la réputation d'un incroyable lourdaud car, en allant chercher de l'eau, il était tombé la tete la premiere dans le puits municipal d'une profondeur de six metres. Il ne lui était rien arrivé mais sa mere, se souvenant d'une telle honte, secouait la tete, ne pouvant y croire, et jusqu'a la fin de ses jours disait : " Un homme si instruit mais si inutile dans la vie... "

Alors, attention mes amis, le tigre de Malaisie peut etre un compagnon dangereux, mais il ne faut pas pour autant sous-estimer les canaux tropicaux de Malaisie !

Traduit par Diana Lemay

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