Wednesday, June 3, 2009

A la recherche du Paradis IV

A la recherche du Paradis
(PART IV)
Story by Gustáv Murín

Nous étions assis dans le sauna, transpirions et nous rappelions des moments passés ensemble il y a bien longtemps en Slovaquie. Nous avions enfin le temps de discuter de tout ce qui était derriere nous. En réalité nous avons parlé durant tout ce temps d'une seule et unique attirante jeune fille que nous avions tout deux connu de plus que pres. Les choses s'étaient tellement accélérées que j'avais couché avec elle avant d'avoir eu un premier rendez-vous. Cela arrive parfois quand on fait bien la fete et qu'une attirante inconnue fait son apparition. Dans ce cas précis, il s'agissait d'une fete a l'université, ou j'avais si bien réussi a m'imbiber que je ne pus meme pas a me rendre compte qu'elle s'éloignait de connaissances plus familieres, c'est pourtant ce qu'elle fit. Nous avons terminé dans une étreinte amoureuse rapide et intenable dans la cave de l'institut universitaire, entre les centrifugeuses a rotation rapide.

C'est ainsi que j'ai découvert ce que j'allais plus tard appeler le Paradis chinois. Elle était parfaite dans toute sa perfection. Un premier aperçu proposait l'expression effrayée d'une vieille fille combinée a une prof de lycée servie froide. Ses vetements, sa coiffure et ses lunettes démodées étaient exactement dans ce style. Mais celui qui s'était déja risqué a déballer tout cela avait trouvé sous les couches bulbeuses d'une enveloppe textile peu engageante un corps de femme magnifiquement dessiné et, encadré par les vagues de ses cheveux défaits, un petit visage sexy de Sharon Stone, ou de toute autre actrice blonde. Et surtout, le Paradis chinois était une source inépuisable de fantaisies érotiques. La laisser seule trop longtemps l'amenait par exemple a l'idée de serrer si fort les cuisses qu'elle en atteignait le septieme ciel. Elle prétendait avoir réussi cela douze fois consécutives. Elle avait aussi essayé la bougie, mais celle-ci était paraît-il trop froide. Pour un jeune homme plein de projets d'expérimentations sexuelles, il s'agissait du champ d'investigation le plus désirable. Mais, également intéressé par mon propre travail de recherche, j'avais limité le moment dédié a nos expériences intimes a un jour par semaine - le vendredi.
Le vendredi soir, je venais a l'internat ou habitait le Paradis chinois, comme un cow-boy apres une équipée a cheval d'une semaine : harassé, poussiéreux, fatigué. Á cela, le Paradis chinois avait rodé une procédure de retour du cow-boy a la vie. Elle m'accueillait a l'entrée, dans une nudité avide seulement recouverte d'un léger peignoir. Elle me déshabillait, me conduisait a la salle de bains, me baignait, me séchait et m'enduisait de quelque chose de délicieusement parfumé. Quel que soit le moment de cette cérémonie d'ascension du mont des plaisirs, je me rappelais de mon sexe masculin (a moins que ce ne soit lui qui se souvienne d'elle), elle était accessible facilement et sans se faire prier. Seulement, apres une semaine chargée d'obligations je ne m'en souvenais pas tout de suite, ce qui faisait qu'elle me conduisait a la table dressée avec gout et imagination pour le dîner. Habituellement c'était une spécialité chinoise (son surnom venait de la) accompagnée d'une bouteille d'un excellent Tokay et surtout d'une oreille complaisamment réglée qui écoutait avec dévouement toutes mes dernieres histoires de cow-boy, tout en n'hésitant pas a se manifester parfois par des questions et meme un vif intéret.


Apres cette préparation minutieuse de mon corps et de mon âme, mon Paradis chinois poursuivait la conversation sur un lit délicatement préparé. Elle ne manquait pas de me faire comprendre que je pouvais vraiment faire tout ce que je désirais avec elle et le plus agaçant dans tout cela était que lorsque je m'y essayais elle se manifestait par un cri léger, mais persistant, " non, non, non ". Un vrai Paradis pour un homme, un chasseur, un prédateur, un mâle... Mais a dire vrai, tout ce Paradis était accompagné d'un rituel secret plus innocent et moins animal, mais tout aussi viril. Cela peut sonner comme quelque chose d'incroyable, mais je goutais a une plus grande sérénité quand apres un premier tour d'expérimentations je pouvais enfin faire un saut dans une certaine piece isolée et assis avec mon caleçon baissé prendre un instant pour feuilleter l'un des magazines humoristiques jetés la. A dire vrai, je n'attendais pas beaucoup d'humour de la part de ce genre de magazine mais c'était surtout un prétexte. Un prétexte pour un repos véritable et paradisiaque. Si vous pensez que je suis fou, je dois vous révéler une autre folie, une regle secrete en plus. Je m'interdisais en effet de dormir avec le Paradis chinois. J'avais le sentiment que ce serait une erreur fatale. Et surtout un jeu malhonnete vis-a-vis d'elle. Oui, je lui rendais visite dans sa petite chambre d'internat et je m'efforçais (c'est tout ce dont je pouvais me souvenir apres des semaines toujours difficiles) que nous nous sentions bien ensemble. Mais a aucun moment, je n'ai voulu lui laisser l'impression qu'il pourrait en ressortir quelque chose plus. Et cela uniquement parce que je n'avais rien de plus a lui proposer alors. Je parvenais a peine a vivre en dehors de mon travail, ce n'était pas pour me consacrer a aimer qui que ce soit. Et j'avais l'impression continuelle que si je dormais une seule fois a côté du Paradis chinois, elle finirait par se convaincre que nous sommes un peu plus que des amants. Je me suis donc levé aux heures les plus improbables du soir et de la nuit sans tenir compte de l'absence de confort a l'extérieur et des plaisirs paradisiaques que j'abandonnais. Cela m'a réussit jusqu'au moment ou lors de l'un de ces départs elle m'a proposé a voix basse et avec prudence :

" Reste, mais reste enfin ! Repose-toi, reste au lit. Demain nous nous réveillerons ensemble et tu n'auras absolument rien a faire, rien du tout. Meme pas parler. Mais reste... "

Le signal longtemps redouté a alors résonné dans mon inconscient. Des cloches sonnant l'alarme quelque part dans une soute de mon esprit m'annonçaient que c'était mauvais. C'est le dernier avertissement et si je m'en vais maintenant, je ne dois en aucun cas revenir. J'étais aidé par le fait que je devais partir sous peu pour un stage de longue durée dans une ville lointaine. J'avais cependant honte de la laisser " comme ça ", de nouveau a la merci de la solitude ou d'un cow-boy inconnu aux bottes poussiéreuses.

Il n'est peut-etre pas nécessaire d'autant expliquer. En bref, j'ai décidé de lui faire connaître mon ami Legy et ce de la façon la plus complete qui soit. Je l'ai invité chez Legy, dans la garçonniere de celui-ci, que j'avais averti a temps des possibles conséquences pour les présenter finalement a l'endroit le plus naturel pour le sexe humain - au lit. Le Paradis chinois était toujours heureuse d'expérimenter et cette expérience avait vraiment bien tourné. Quand je suis finalement parti pour une autre ville, le bruit m'est parvenu qu'ils se fréquentaient et meme qu'ils sortaient sérieusement ensemble. En mon for intérieur, je me félicitais de lui avoir choisi le bon. Un partenaire délicat, cultivé et attentionné qui allait finalement apprécier a sa juste valeur tout ce qu'elle était capable et pressée d'offrir.

Et voila que j'étais assis la avec le dernier visiteur du Paradis chinois que je connaisse, mon ami Legy. Nous transpirions et savourions notre biere. Dehors nous attendait le saut final dans l'eau froide de la piscine et moi, je voulais savoir, ce qu'il avait bien pu se passer, nom de Dieu !

" Ce qu'il s'est passé ? " me répondit Legy en me posant cette question sur un ton de reproche. " J'ai foutu le camp, j'ai tout simplement foutu le camp. "

" Je sais que tu as foutu le camp, tu as pris la frontiere. Mais pourquoi sans elle ? "

" Mon vieux ", dit Legy en me regardant l'air encore plus courroucé. " C'est a elle aussi que je voulais échapper. Tout ça c'était trop pour moi. Toujours ce bain brulant avant, cette friction avec ce je ne sais quoi parfumé et cette soumission sans égal, j'ai fui tout ce qui se faisait avec elle je pense. Comment je pouvais supporter ça tous les jours ?! Tout cela était trop parfait et définitif. On ne pouvait rien y améliorer, il n'existait rien permettant de pouvoir encore se réjouir. Elle était le summum, le sommet de tout ce dont un homme peut rever...Elle était comme un Paradis dans lequel tu ne dois pas entrer si tu veux encore conserver au moins une once d'aspiration non assouvie, d'aspiration a chercher...d'accomplissement. Voila pourquoi je me suis tourné et me suis enfui. La bonne excuse aussi, c'est qu'elle avait arreté son abonnement aux magazines humoristiques - soit disant parce qu'on devait économiser pour la future famille. Tu sais, ce genre de magazine avec des blagues illustrées qu'on peut feuilleter en paix dans un certain endroit tranquille, c'est... "

" Je sais ce que c'est " ai-je répondu. J'ai enlevé la bouteille de biere et suis sorti en courant du sauna. Pieds nus et transpirant dans la salle de musculation, j'ai enfoncé la porte menant a la fraîche nuit nashvilienne pour sauter dans l'eau horriblement, exécrablement et détestablement froide de la piscine. Je gémissais de froid a travers mes dents qui claquaient, en battant éperdument des mains - et je me sentais si bien.

En rentrant a la maison, tous deux de nouveau muets, satisfaits, fatigués par le tennis, le sauna et la biere, Legy s'est brusquement tourné vers moi a un carrefour :

" Au fait, mon vieux, j'avais presque oublié de te demander comment tu te sens en Amérique ? "

J'ai répondu sans hésitation.

" Tu sais Legy, pour eux le socialisme, ce Paradis promis sur Terre, fonctionne vraiment. "

Legy, pensif, a hoché la tete et avant qu'on ne passe au vert, il m'a répliqué comme on retourne un service insidieusement placé par un adversaire difficile.

"C'est ça le véritable Paradis mon vieux. Dommage seulement qu'il y ait autant de coups de feu."

Au carrefour suivant, il ne parlait déja plus dans ma direction, mais dans celle du feu placé devant nous.

" Nous rentrons au pays, mon vieux. Toute la famille. Ne me demande pas pourquoi et ne me dit plus a quel point ça se passe mal la-bas, chez nous. "

J'ai tenu parole.

(The End)


No comments: