Wednesday, April 1, 2009

QU'Y-A-T-IL DE SUR DANS CE MONDE ?

QU'Y-A-T-IL DE SUR DANS CE MONDE ?
A l'Université de Serdang pres de Kuala Lumpur commençait une conférence. Physiquement j'étais présent mais normalement je n'aurais pas du y participer. Une malheureuse carte plastique, appelée VISA en était la cause. Pour les voyageurs de nos jours il est bien confortable de ne pas avoir a apporter avec eux des kilos de lingots d'or ou meme des liasses volumineuses de billets de banque. C'est justement cela qui m'avait gâté jusqu'a l'insouciance qui méritait etre punie. La punition est venue a neuf mille cinq cents kilometres de chez moi, en Malaisie.

Je suis l'heureux propriétaire d'une carte VISA. Elle m'a rendu service partout, au Mexique, en Inde et en Turquie également, et c'est dans les Pays baltes que j'ai du voir le plus grand nombre de magasins et de banques qui proposaient leurs services en affichant une étiquette VISA. J'utilisais ce service avec une telle facilité que pour mon voyage en Malaisie non seulement je n'avais pas pris tous les documents qui allaient avec la carte VISA mais je n'avais meme pas les numéros de la " hot line " de ma banque. Je croyais tout simplement a la perfection de la technique et elle venait me trahir maintenant, le premier jour d'une conférence mondiale. C'était d'autant plus délicat que je devais intervenir devant le forum international de mes collegues scientifiques justement ce premier jour. Tout le monde pouvait etre tranquillement assis dans la salle, ils avaient tous réglé leur participation a la conférence. J'étais le seul a ne pas pouvoir en faire autant car justement cette fois-ci, par paresse, je n'avais meme pas amené ma réserve de dollars en Malaisie. Tout mon argent était ensorcelé dans un petit bout de plastique.

Le premier avertissement est venu a Kuala Lumpur quand je voulus retirer un peu d'especes au distributeur automatique pour faire des achats a Sogo, le supermarché local. J'avais inséré ma carte dans le distributeur et fait mon code secret. Rien, le distributeur m'avait rendu la carte. Je commençais a m'inquiéter mais je me suis aussi souvenu que ma carte avait été, comme chaque année, renouvelée récemment. J'avais donc aussi un nouveau code secret. Je commençais a avoir un terrible doute, est-ce que j'avais marqué quelque part ce nouveau code ? L'espoir reposait sur mon bloc-note que j'ai toujours sur moi. Le nouveau code y était bien marqué. J'avais de nouveau inséré ma carte dans le distributeur, j'avais saisi le nouveau code et ma carte avait été rejetée une fois de plus. Cette fois-ci elle était accompagnée d'un avertissement. Les choses commençaient a devenir sérieuses. A la troisieme tentative le distributeur pouvait garder ma carte et moi, je me retrouverai sans rien. Je commençai a étudier les numéros dans mon bloc-note de nouveau. Mon écriture qui ressemblait plutôt a des traces de griffes était connue de tous et les numéros étaient griffonnés si négligemment, que j'aurai pu faire une erreur. Finalement, peu importe le secret, j'ai demandé a mon collegue Karol qui était du voyage, de m'aider a déchiffrer ce casse-tete. Apres une breve discussion nous sommes arrivés a une combinaison de numéros qui représentait ma derniere chance. Et ça avait marché. Ici, a Serdang, qui était un grand campus universitaire, le distributeur ne voulait meme pas accepter ce nouveau code secret pourtant vérifié. Plusieurs tentatives hasardeuses n'avaient servi a rien. C'était le matin et la queue des Malais et des Malaises derriere moi, avec a la main leurs cartes de crédit qui fonctionnaient certainement, grandissait. Ma collegue malaise du comité d'organisation qui m'accompagnait gentiment a ordonné le retrait. Il était plus que temps, mon intervention commençait dans dix minutes.

Pendant mon intervention, j'évaluais dans ma tete toutes les possibilités de l'imminente catastrophe. Je n'avais aucune chance de me procurer la somme dont j'avais besoin pour régler ma participation a la conférence (ne parlons meme pas de frais de logement et de nourriture) sans ma carte de crédit. Mon collegue Karol ne pouvait pas m'aider car lui il compte uniquement sur ses bonnes vieilles liasses de billets dans les chaussettes. Et ses chaussettes n'étaient pas si grandes. Je ne connaissais personne d'autre (c'est le désavantage des grandes rencontres mondiales au gout exotique) et appeler a la maison pour demander de l'aide n'avait pas de sens. Personne ne pouvait a ma place retirer l'argent de mon compte qui alimentait la carte VISA, j'étais ici, a Serdang, avec ma carte de crédit. Il ne me restait qu'a persévérer.
Apres mon intervention les organisateurs tres patients ont mis a ma disposition un autre collegue malais, cette fois-ci avec une voiture. Nous nous sommes mis en route. Deux autres distributeurs ont royalement refusé ma carte. Le collegue malais ne perdait pas de son optimisme et me proposa d'aller dans la banque la plus proche. Nous y sommes rentrés et avons expliqué ce qu'il fallait. Derriere le guichet quelqu'un nous a souri, ils ont pris ma carte VISA et nous ont demandé de patienter un moment. Le moment de patience était interminable. Le seul theme de conversation possible avec un collegue malais inconnu était le fait que l'on ne peut pas compter sur les cartes de crédit ni la technique. Il valait mieux se taire. Notre silence a été interrompu par la venue du responsable de la banque qui m'avait rendu la carte avec courtoisie mais tres fermement en disant que leur banque ne pouvait rien faire avec et qu'ils ne pouvaient pas me donner l'argent demandé. J'étais au bord de la panique.

Je ne vous souhaite pas ce sentiment quand le pilier de notre univers mondialisé vous abandonne. Inévitablement vous viennent a l'esprit des idées hérétiques du genre : sur quoi peut-on encore compter dans le monde actuel. Qu'y a-t-il de sur dans ce monde ?

Le collegue malais avait l'air de vouloir m'aider malgré notre visite piteuse a la banque. Aurais-je encore une quelconque idée ? Et l'idée est venue. Le distributeur dont je me suis servi a Kuala Lumpur appartenait a la plus grande banque malaise. C'était ma derniere chance. J'ai demandé s'il n'y avait pas dans les environs une succursale de cette banque. Il y en avait une.

Devant la succursale de la plus grande banque malaise il y avait un distributeur. J'y suis allé immédiatement et tel un illusionniste j'exécutai devant mon collegue malais tous les gestes pour qu'a la place d'un lapin sorti du chapeau l'argent sorte de ce distributeur. Apres le bruit habituel de la machine réfléchissant a haute voix, le signal avertisseur déja bien familier ce jour-la a retenti et le distributeur m'a rendu la carte. Je suis rentré dans la succursale en état d'ultime besoin. J'étais désespérément décidé de faire n'importe quoi pour avoir mon argent y compris de provoquer un scandale international. Sans cet espoir je deviendrais un tricheur suspect sans un rond dans les poches a la place d'un collegue jouissant d'une notoriété avec un compte de dollars respectable.

Je n'étais plus en état pour faire la queue, je demandai directement a mon collegue malais de m'annoncer chez le responsable de la succursale. Peu de temps apres nous étions assis dans son bureau. Il était grand, gros, flegmatique tout en sueur mais un fonctionnaire aimable. Il écouta toute l'histoire, prit délicatement ma carte VISA dans ses mains, la regarda attentivement, consulta son numéro dans l'ordinateur et envoya l'information obtenue quelque part. Il n'était pas satisfait avec le résultat. Je commençais a transpirer ce qui ne pose en Malaisie aucun probleme. Sauf que moi, je transpirais deux fois plus.

Le responsable de la succursale garda son calme. Il regarda encore une fois toutes les données sur ma carte, me demanda mon passeport et le nom de la banque qui avait émis la carte (ce qui n'a pas aidé car son nom slovaque n'a aucune chance de briller dans une conversation internationale) et décrocha le téléphone. Il appelait la centrale a Kuala Lumpur.

Tout ce temps mon collegue malais assis a côté de moi essayait de me garder au-dessus du niveau de désespoir par des regards encourageants. De temps en temps ils échangerent quelques mots en malais avec le chef de la succursale, ce qui pouvait soit etre un petit mot en ma faveur ou une réflexion s'il n'était pas le temps de démasquer un fraudeur international. J'étais seul au milieu d'un pays inconnu et le seul lien plastique que j'avais avec ma patrie et mon compte m'abandonnait petit a petit. La liaison téléphonique avec la centrale a Kuala Lumpur n'était pas fiable. La ligne était interrompue sans arret. L'atmosphere dans la succursale de Serdang était calme, provinciale. Personne ne se pressait nul part et moi, je pouvais meme nager dans ma sueur. Je me rappelai triomphalement que je gardais toujours les tickets des distributeurs. J'ai fouillé toutes mes poches et j'ai trouvé finalement celui du supermarché de Sogo. Plein d'énergie renouvelé et de gestes d'optimisme, je l'ai tendu avec enthousiasme au chef de la succursale. Il regarda poliment le petit bout de papier tout froissé et plein de sueur et me le rendit. Ça ne l'avait pas impressionné vraiment. Il continuait a téléphoner.

La ligne téléphonique était interrompue pour la deuxieme fois et le chef de la succursale de Serdang dictait pour la troisieme fois les nombreuses données de ma petite carte plastique quand il haussa brusquement les sourcils. L'espoir naissait. Mais il reposait sur une chose ou plutôt une question :

" Comment s'appelle votre mere ? " demanda le chef de la succursale de Serdang en se penchant confidentiellement vers moi.
" Qui ?! " je ne comprenais pas.
" Le nom de jeune fille de votre mere. "
" Mais ma mere n'a jamais eu de compte VISA, ni maintenant ni avant de s'etre mariée. "
" Mais vous l'avez mentionnée dans le questionnaire de votre carte VISA, non ? "
Tout comme je déteste les questionnaires a ce moment-la je respirai de bonheur et commençai a dicter avec plaisir. Le chef de la succursale de Serdang m'a meme laissé l'écrire sur un bout de papier. Et c'était au moins curieux d'entendre prononcer en malais le nom de jeune fille de ma mere qui n'est pas courant chez nous non plus. Ça a marché.

J'ai reçu mon argent, respiré de bonheur, secoué cordialement la main du chef de la succursale de Serdang ainsi qu'a mon collegue malais. Je ne compris qu'une fois dehors, dans la rue brulante. Je compris que si personne d'autre, alors les banquiers du monde entier savent que tout peut etre incertain dans ce monde sauf la mere. Elle, elle est toujours sure. 
Traduit par Diana Lemay

 Available in E-book at:  http://itunes.apple.com/sk/book/le-monde-est-petit-world- is/id554104733?mt=11

No comments: