Wednesday, May 27, 2009

A la recherche du Paradis III

A la recherche du Paradis
(PART III)
Story by Gustáv Murín


Le matin suivant était un samedi et meme les sauts de joie de Lenka n'ont pu m'empecher de faire la grasse matinée. Apres avoir sauté sur ses parents, elle a essayé de me convaincre qu'en tant qu'étranger inconnu, je devais profiter de chaque minute offerte de la compagnie d'une dame et accepter de mon plein gré de visiter l'exposition de ses jouets préférés.


Ainsi commença la journée. Apres le petit déjeuner, nous en sommes enfin arrivés a la longue discussion attendue : comment ça se passe a la maison et ici. Au moment ou nous nous sommes trop engagés sur le terrain politique, theme recommandé pour une tristesse collective, Legy a proposé de plutôt aller jouer au tennis.


Avant mon départ pour les Etats-Unis, mes amis et connaissances m'avaient demandés : " Et que vas-tu faire la-bas au juste ? "


Je ne voulais pas expliquer toutes les péripéties liées a la bourse accordée par le gouvernement américain (les impôts et des amis émigrés, comme ne manquaient pas de me le rappeler quelques-uns) et j'ai donc répondu que j'allais en Amérique pour jouer au tennis. C'est comme ça que je m'imagine le Paradis, moi - du temps et de l'espace illimités pour pratiquer un tennis récréatif et socialement amusant...


Mes amis se sont a premiere vue beaucoup amusés de cette réponse, mais, a part eux, ils se disaient surement : " Quels drôles de types que ces Américains ! Ils paient sans rechigner un séjour de trois mois a un détraqué qui n'a pas de meilleur boulot que de jouer au tennis ?! "
Quand je suis finalement arrivé aux Etats-Unis, les organisateurs de mon séjour m'ont demandé a ma grande surprise : " Que préféreriez-vous faire ici ? "


J'avais la réponse a portée de main : " jouer au tennis. " Les organisateurs de mon séjour se sont a premiere vue beaucoup amusés, mais, a part eux, ils devaient surement se dire : " Quels drôles de types que ces Slovaques ! Ils sont capables de parcourir une telle distance seulement pour jouer au tennis, alors qu'ils peuvent aussi le faire chez eux ?! "


Mais Legy savait, que le tennis ce n'est pas seulement poursuivre une balle avec une raquette, mais aussi la célébration du partenariat, une forme étrange de communication amicale. Et c'est donc dans une compréhension mutuelle et muette que nous avons tapé la balle. Il ne faisait pas aussi froid que le soir, le soleil dans le ciel dégagé réchauffait l'air frais de novembre et nous avions parcouru le chemin menant aux courts de tennis sans l'humiliant sifflement du compteur.
Les courts faisaient partie d'un complexe de loisirs pour les personnes de la résidence. Nous avions pu y entrer grâce a Aleš, une connaissance de Legy qui habitait la. Un nom typiquement tcheque pour un gars completement tcheque. Bien que plus âgé, il était plein d'énergie et d'idées. Par contre, il se plaignait systématiquement de quelque chose, meme s'il vivait carrément comme un prince par rapport a Legy. La chance lui souriait, comme a nous, comme il nous l'expliqua a propos au milieu de tout un bouquet de plaintes et de griefs : les boîtes aux lettres ici sont placées dans des sortes de pigeonniers souterrains sous le auvent. Chaque locataire se voit attribuer un enclos a pigeons avec une boîte fermant a clé. Tout cela se tient juste au sommet du chemin abrupt menant au centre de la résidence. Il y a peu de temps, notre Aleš s'était dirigé vers la boîte aux lettres dans sa nouvelle voiture et en était sorti pour prendre son courrier. Alors qu'il peinait vers sa propre boîte, il avait nettement entendu une sorte de choc et tout de suite, il avait vu et compris. Un abruti s'était garé avec négligence, n'avait pas actionné le frein de la voiture qui lors de sa descente dans la côte raide avait percuté le véhicule qui arrivait. Cet abruti était bien sur Aleš. Mais il avait eu de la chance, car s'il n'y avait pas eu ce véhicule, sa nouvelle Toyota aurait survolé dans un élégant flop le virage suivant et aurait fini dans le petit parc, vingt bons metres sous le niveau de la chaussée. Ce brave Aleš nous raconta cette heureuse aventure d'une voix brisée par les soucis et le pressentiment des autres horreurs qui allaient le frapper. Des avions survolaient les courts toutes les cinq minutes et se préparaient a atterrir a l'aéroport tout proche. Exactement comme a Wimbledon. Quand je lui fit part de cette prestigieuse comparaison, Aleš ajouta seulement avec tristesse qu'avec un telle fréquence de passage, la probabilité qu'un avion s'écrase juste sur ce court était inévitable. Et Aleš, dans l'infortune de sa vie, concederait surement la victoire dans le match de tennis. Pendant le changement de côté (nous jouions a l' " américaine ", qui est une combinaison symbolique du double et du simple) Legy me chuchota qu'Aleš qui annonçait sa malchance ostensiblement ne devait pas me déconcentrer. Il s'agit jusque d'un habile camouflage de l'avarice humaine dans la persévérance a s'enfoncer soi-meme. Dans la communauté locale des émigrés (dont quelques-uns sont a l'université ou travaillent Legy et Aleš) il se raconte qu'il s'est approprié (ou a en fait volé ?) les résultats scientifiques du groupe ou il travaillait alors avec ses compatriotes et qu'il avait essayé de les vendre (ou de les utiliser afin d'obtenir un meilleur poste). Mais Legy n'avait pas contrôlé cette information et, pris dans le plaisir du jeu, il avait choisi ce jour-la de ne pas observer l'honneteté d'Aleš au travail.


Aleš habitait cependant un lieu que nous aurions pu aussi qualifier de véritable Paradis du logement, semblable a celui qu'on nous avait seulement promis sous le socialisme. Je peux moi-meme en juger, puisque j'ai habité dans l'une de ces réalisations des promesses techniques.
Nos immeubles avaient été nommés "Beautés " par les constructeurs et notre rue s'appelait la " jolie rue " - tout cela pour que les familles nouvellement arrivées sachent ou elles allaient. La nouveauté, en dehors des magasins au rez-de-chaussée des bâtiments, était une piscine a l'usage des habitants de la résidence. Il l'avait construite d'apres une idée problématique faisant venir l'eau du ruisseau voisin, ce qui a pour effet qu'aujourd'hui encore, l'eau est soit saine et terriblement froide ou par moment tiede et bouillonnante comme dans un marais. Ils avaient de plus creusés au milieu de chaque carré de maisons de petits bassins peu profonds pour les enfants les plus petits. L'eau était seulement sale au départ et avec le temps ils avaient arreté de la faire couler. Les garçons et moi y jouions au hockey hiver comme été. La cerise sur le gâteau de cette résidence modele était la fontaine. Pas une fontaine ordinaire, mais une fontaine aux poissons dorés. Je me souviens de ces poissons dorés comme un enfant. Quand apres des années, j'ai des de nouveau aperçu la fontaine, les poissons n'y étaient plus. Apres tout ce temps, je n'y ai plus trouvé d'eau non plus. La fontaine avait été laissée a l'abandon et était devenue une fosse a ordures. Une sorte de dispositif d'utilité publique socialiste l'avait fait combler et y avait planté des roses. Personne ne s'occupait des roses et il ne nous reste de cette époque qu'une fontaine d'épines...


Le logis américain d'Aleš ne fournissait pas seulement aux habitants des courts de tennis gratuits, ce qui chez nous n'existait meme pas sous le socialisme, mais également un centre de fitness solidement équipé avec une petite fontaine a l'entrée. Je n'y ai pas vu de poissons dorés mais par contre, elle fonctionnait. Nous y sommes allés apres le tennis de façon tout a fait illégale, car Aleš nous avait quitté entre temps. Mais il nous avait laissé le code qui nous permit de convaincre le portier automatique de nous ouvrir. C'était peinard. Apres la barriere vous étiez non seulement accueilli par la fontaine, mais aussi par une piscine et au sous-sol par une salle de musculation avec sauna. Le tout pret a fonctionner, fonctionnel et judicieusement aménagé. Évidemment, nous n'avions pas oublié d'y emporter un peu d'anarchie slovaque - nous avions amené de la biere avec nous. Ce type de consommation sauvage dans un lieu public est interdit partout aux Etats-Unis. Mais nous étions seuls et avions adapté ce petit Paradis a nos habitudes.


(to be continued)

No comments: