Wednesday, May 20, 2009

A la recherche du Paradis II

A la recherche du Paradis

(PART II)

Story by Gustáv Murín

De longues années plus tard, j'ai tenté de visiter un autre paradis. Legy avait émigré. Il avait fui la Slovaquie quand celle-ci faisait encore partie du Paradis socialiste promis sur Terre. C'était l'un des rares paradis que les gens fuyaient au péril meme de leur vie. Legy avait fui, attiré par la vision du Paradis américain. Le chemin qui y menait était un enfer de camps de réfugiés et de fils de fer barbelés aux frontieres. Legy réussit a passer tout cela (meme si sous le gouffre pres de Vernár il avait eu l'intention de finir a jamais dans un fossé), dans un camp de réfugiés il fit la connaissance de Zdenka sa future femme, ils parvinrent finalement a atteindre l'autre côté de l'océan, eurent une belle petite fille prénommée Lenka et s'installerent. Legy s'était établi a dessein au coeur meme du Paradis américain - a Nashville. Nashville est un lieu ou l'Amérique chante ses reves et ses espoirs. C'est un endroit ou les gens deviennent des étoiles, ou au moins des cometes. C'est le temple de la musique country américaine, et donc précisément des chansons que Legy nous jouait durant notre marche dans le Paradis slovaque. Grâce a lui, nous les avions hurlées jusque tard dans la nuit, comme de jeunes chacals faisant résonner toutes leurs indicibles aspirations dans le ciel nocturne. Legy avait donc réussi apres des années de préparation. Il était a présent la ou il voulait etre, et ce depuis huit longues années. Il était plus que temps de rendre visite a mon ami d'enfance et de gouter un morceau de son Paradis américain.

Á mon arrivée, Legy ne m'a pas donné le temps de reprendre mon souffle. La premiere chose que je devais voir (juste apres avoir été accueilli par une Zdenka curieuse de connaître les nouvelles de la patrie et une Lenka timide et curieuse envers cet étranger d'un pays inconnu qu'on nommait patrie) était le Wild Horse Saloon - Le Salon des chevaux sauvages.
" S'il y a bien quelque chose de terriblement américain, c'est ici ", me disait Legy pendant le trajet en voiture jusqu'au centre de Nashville. C'était le mois de novembre et il faisait déja froid la nuit. La voiture de Legy y réagissait par un grincement de protestation, du paraît-il au froid qui avait bloqué le compteur. Nous sommes donc parvenus au Wild Horse Saloon comme des pompiers, un sifflet jouant a tue-tete en guise de sirenes. Le Saloon était plein.

La salle principale est une imposante piste de danse avec un podium, sur lequel dansent les groupes de visiteurs de passage. Ils doivent s'y connaître car il y a beaucoup de pas et certains sont vraiment échevelés. Legy me le confirma de sa propre expérience. Il avait payé avec toute sa famille pour un cours d'entraînement aux danses country, précisément dans ce temple de l'amusement américain. Ils y avaient passé cinq samedis matin et étaient parvenus entre temps a oublier tout ce qu'ils avaient appris. Dans la seule grande salle, les moins doués forment un grand cercle et s'exercent avec leurs jambes au rythme de la country. Pour que ce soit parfait au sens américain du terme, des statues de chevaux sauvages sont fixées au dessus de leurs tetes et galopent vers le plafond.

Legy reproduisait le rythme de la musique de sa main sur la rampe de la galerie, d'ou nous avions une excellente vue. Je me penchais vers lui dans cet insensé ressac musical et lui braillais a l'oreille : " Je ne suis pas étonné que ça te plaise ici. On y trouve les plus belles nanas que j'ai pu voir jusqu'ici en Amérique. "

Legy m'observa attentivement pendant un moment, regarda en bas les couples qui dansaient et me cria de la meme façon a l'oreille : " Normal. Ici ce sont seulement les meilleurs morceaux qui viennent. Mais oublie ça. Tu n'as aucune chance. Ces filles ne nous aiment pas. "

Nous avons terminé notre Corona et Legy me tirais déja vers un autre local. En chemin, il m'expliqua qu'en tant que scientifique universitaire il était parfois amené a côtoyer au labo ce genre de sublimes filles que je venais de voir. Elles ne portaient ni jeans serrés, ni chemises fermées sous la poitrine, ni stetsons mais des blouses blanches. Tout aussi belles et tout aussi inaccessibles. Un émigré n'est pas en effet un parti avantageux pour une belle Américaine, comme me l'expliqua Legy d'un ton professoral. Une belle Américaine est en fait une denrée tellement rare qu'elle peut surement trouver mieux.

" Mais ", ajouta Legy familierement, " si tu veux profiter un peu du sexe je t'emmenerai avec plaisir au bon endroit. "

Ce bon endroit, c'était le AC-Club, que nous avons atteint peu avant minuit. Un horrible club, plein a craquer, enfumé. L'endroit est constitué d'une grande construction métallique qui ressemble a une cage, ou des gars se tiennent debout pres des tables du buffet (ici et la, apparaît rapidement une fille habillée bizarrement et trop maquillée) et regardent le grand mur, ou deux véritables cages sont suspendues au dessus de la piste de danse. Dans chacune d'elles, une fille a moitié nue se déhanche au son d'une musique rythmée. D'une certaine maniere, c'est un saut symbolique du siecle dernier a maintenant. Puisque chacun peut chanter et danser sur de la country, notre mission ici est claire : regarde, écoute, tais-toi ! Les bonnes habitudes des poivrots chantants slovaques ne servent vraiment a rien ici. Vous etes assourdis, aveuglés et abandonnés dans l'immense foule de ce club. La solitude vous suit ou que vous alliez. C'est pourquoi nous nous sommes tus Legy et moi, avons siroté nos bieres en regardant les cages dans lesquelles nous nous serions aussi bien sentis. Nous étions nous aussi en cage mais ce n'était pas aussi frappant. Le grillage autour de nous venait de l'assourdissant mur de musique.
Rendus muets par le spectacle de l'AC-Club nous n'avons pas non plus parlé en revenant a la voiture ! Une nuit froide et éclatante nous entourait au milieu de la ville ou des grattes-ciel rappellent les décors d'un film sur Superman. Il était trop tard pour une longue discussion comme en ont les amis qui se souhaitent la bienvenue et s'embrassent apres de longues années. C'était l'heure d'aller dormir.

(to be continued)

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